Jeudi 25 Novembre - J0
Nous y voilà !! Nous nous préparons tranquillement à partir mais rien ne presse car il n'y a pas de vent ce matin. Les enfants se baignent avec les copines de Nawaks. La chaleur arrive et nous sommes ravis de hisser les voiles pour retrouver un peu d'air.
À 11h (UTC-1h), nous levons l'ancre pour probablement 15 à 20j de navigation. 2100 M à parcourir en route directe. Notre vitesse est de 5/6 Nds en moyenne. Les paris sont lancés :)
La mer est douce, la houle est très longue et épargne nos estomacs (les plus sensibles ont quand même pris un Mercalm !).
Nous sortons le spi pour gagner un peu en vitesse, l'eau glisse sous la coque, c'est idéal.
Au bout d'une demi heure, on remarque que nos batteries ne rechargent pas... C'est une sacrée tuile ! Nico joue du multimètre et finalement c'est une connexion qui est mal branchée. Le temps de comprendre et de voir à nouveau la batterie se remplir est court mais, comme dans les films à suspens, la tension était palpable !!!
Ça mérite une bonne sieste, je m'allonge et dort profondément 1h. A mon réveil, je vois que mon sommeil à effectivement été lourd : il y a eu un problème sur la pompe à main des WC, il a fallu démonter et faire un grand nettoyage, et je n'ai rien entendu ;)
Deux bricolages dans une journée, ça occupe...
Reprise du travail scolaire avec chacun un prof particulier : Guillaume fait faire de lignes de a e i o u y à Étienne, Matthieu accompagne Titouan dans ses devoirs et Nico bosse avec Mathieu. Je regarde cette mini salle de classe en plein Atlantique en prenant la barre un instant.
Le vent monte en peu en fin de journée. Affalage du spi et déploiement du génois pour la nuit.
Pilototomatix grince un peu, Nico vérifie le mécanisme mais il ne semble pas y avoir de problèmes. A suivre...
Vendredi 26 Novembre - J1
Le vent est très très mou aujourd'hui de 5 à 10 Nds, on se traîne sur l'eau et en plus la houle est plus courte donc l'effet sur nos estomacs est plus marqué aussi.
Matthieu lutte brillamment contre le mal de mer et s'occupe en soutenant Mathieu dans ses devoirs. Titouan avance bien dans son travail scolaire et Étienne aimerait bien choisir uniquement les exercices qui l'arrangent !!!
En fin de journée une séance baignade est proposée car nous avançons à peine à 2,5 Nds. On lance un bout et un parebattage au bout pour se rattraper après avoir sauté du balcon avant.
La météo s'annonce plus venteuse les prochains jours, c'est plutôt sympa d'avoir cette perspective.
Dès la tombée de la nuit, le vent rentre et nous faisons un cap quasi plein ouest :) :)!!
Le vent monte à 20 Nds, nous filons sur l'eau entre 6 et 8 Nds toute la nuit, c'est parfait.
Samedi 27 Novembre - J2
Une houle courte et croisée nous accompagne, c'est assez désagréable et surtout épuisant.
Pour essayer de penser à autre chose, nous tentons des activités : je sors la machine à coudre pour terminer la housse du 4ème coussin dont Guillaume a apporté les carrés de mousse oubliés au Bourget-du-Lac, Matthieu fait une séance d'ostéopathie à Nico, Guillaume barre pour le plaisir et pour économiser la batterie. On est un peu juste en capacité de rechargement.
Ce soir, nous avons parcouru 350 M en 62h.
Dimanche 28 Novembre - J3
La houle et le roulis continuent de m'épuiser, je m'allonge souvent dans la journée. Les enfants sont eux en pleine forme, leur énergie fait plaisir à voir mais est aussi source de fatigue !!
Guillaume se régale de chaque instant et tient une bonne forme. Matthieu voudrait bien se sentir aussi bien mais le mal de mer ne cède pas....
Capitaine Nico est toujours vaillant mais pense aussi que c'est difficile de trouver du plaisir dans cette mer croisée qui nous malmène.
Il y a quand même du positif dans tout ça : on avance à très bonne allure, ouf !!
Lundi 29 Novembre - J4
Empannage intempestif ce matin, le vent a tourné brutalement. Le génois s'est emmêlé à l'avant, ça fait vibrer le bateau de manière impressionnante ! Après quelques minutes de lutte pour Nico à l'avant, tout revient à la normale. Le jour se lève et nous voyons la grosse houle de 4m qui nous pousse (dans le meilleur des cas) et qui nous déséquilibre (un peu trop souvent). Le spectacle de cette houle large et haute est d'une beauté brute et puissante.
Le moral des troupes n'est pas très flamboyant alors on a du mal à en profiter. Nous avons du mal à imaginer les prochains jours dans les mêmes conditions. Matthieu n'est toujours pas vaillant mais reste très zen malgré ce mal de mer qui ne le lâche pas.
J'ai pourtant lu beaucoup d'expériences de transat qui me semblaient plus mesurées avec des hauts et des bas bien entendu mais où le plaisir est là. Guillaume tient bon la barre et profite du paysage, les enfants s'occupent et gardent leur belle énergie. Mais pour Nico, Matthieu et moi, le vécu est bien différent.
Notre ligne de pêche attrape des poissons, on a vu une belle petite dorade coryphène mais les proies lâchent avant que nous les remontions à bord....
Une note positive pour finir, Meltem avance toujours à un bon rythme et à battu son record de distance journalière : 157 M en 24h.
Mardi 30 Novembre - J5
La houle semble plus calme ce matin. Les gars en profitent pour faire un peu de lessive, une petite douche. On fait marcher le dessalinisateur pour remplir les bidons d'eau potable.
Matthieu va un peu mieux et profite du grand air. Guillaume écoute avec plaisir de la musique préparée sur une clé USB par ses filles.
Plusieurs grains croisent notre route aujourd'hui. Le force forcit ou faiblit à proximité alors nous roulons ou déroulons plusieurs fois le génois pour adapter notre voilure : ça occupe !
Les enfants s'amusent avec des gommettes pendant toute l'après midi !!! Et Mathieu prépare un jeu de piste pour ses frères : le trésor : un carré de chocolat pour chacun :)
Nous avons parcouru 1/3 de la traversée.
Mercredi 1er décembre - J6
Belle journée au soleil, la houle croisée est toujours bien présente, 2m à 4m selon les moments de la journée et un peu plus espacée.
Le vent est fort et par 2 fois ça grimpe à 35/40 Nds donc nous affalons la grand voile pour avancer sous génois seul (et toujours aussi vite !)
Nous avons la visite de dauphins et de globicéphales dans la matinée.
Et à midi nous croisons Freetime 5, un voilier de 52 pieds, qui va comme nous en Martinique. C'est sympa de papoter avec le voisinage éphémère :)
Nous avons parcourus presque 1000 M en 6j 1/2, on tient notre moyenne haute de 150M par 24h.
Jeudi 2 Décembre - J7
La mer agitée nous accompagne toujours. Nous avançons avec le génois seul partiellement enroulé, au grand largue. Les vagues font se dandiner Meltem. C'est ce mouvement incessant qui me fatigue et m'empêche de m'endormir. Régulièrement le bateau gîte fort d'un côté puis de l'autre, puis se stabilise à nouveau, le temps de quelques vagues mieux orientées.
La journée passe sans s'étirer entre papotage, repas, repos, routage, échanges de messages avec la terre (on est plus éloigné de la civilisation ici que les astronautes de L'ISS).
La nuit pendant les quarts, nous avons chacun nos occupations. Je lis (!!!), j'écris et je regarde le ciel. A notre latitude, la lune n'a pas la même orientation qu'en Europe : lors de son dernier quartier, elle ressemble à un sourire . Et la casserole de la Grande Ourse est plantée par le manche dans l'horizon!
Petite frayeur de la nuit : j'entends un bruit sur le pont derrière moi, je sursaute, ça tape fort et ça fait le bruit des ailes d'un gros papillon de nuit.... Un gros poisson volant !!! Celui là aura de la chance, je le remets directement à l'eau :)
162 M en 24h parcourus aujourd'hui :) notre plus belle perf ! 6,75 Nds de moyenne, la classe pour notre bateau bien chargé et dont la carène ventrue n'est pas des plus rapide.
Vendredi 3 Décembre - J8
Je me réveille souvent la dernière (je fais le quart de 2h à 5h) et c'est en entendant les gars papoter au petit déj que j'ouvre tranquillement les yeux et que je profite du calme.
Je sors de ma cabine, me prépare vite fait et Nico m'annonce : "Le génois est décousu, il va falloir l'affaler et le recoudre !"
Au moins, on connaît le programme de la journée, on ne va pas s'ennuyer !!!
1ère étape : dérouler complètement le génois pour l'affaler sur le pont. C'est assez physique !
2ème étape : amener le bazar à l'arrière dans le cockpit pour évaluer le travail : 1m20 de couture à refaire, ça c'est facile mais aussi 80cm de déchirure à réparer plus haut sur la bordure haute de la voile...
3ème étape : c'est parti pour une matinée de couture. Au moment du déjeuner, j'ai entamé la répartition de la déchirure. Ça n'est pas génial car je dois faire de nouveau trous d'aiguille dans la voile (pour la partie décousue, je repique dans les trous existants pour ne pas fragiliser le tissu). Les derniers jours de navigation de notre génois (plus tout jeune, qui a passé l'hiver à la voilerie pour une révision complète mais qui vient de naviguer 4000 M en 3 mois !) sont peut-être arrivés.
4ème étape : un gros grain (nuage bien gris amenant la pluie et un gros coup de vent) nous rattrape !! La séance de couture est suspendue, on met 2 ris dans la grand voile mais le grain est plus rapide. Tout d'un coup c'est 40 Nds, et une bonne douche froide !! Nous nous remettons en ordre de marche après cet épisode assez court finalement mais où le capitaine a donné de la voie !!!
5 ème étape : une fois séchée, je me remets à coudre. Une petite reprise de couture supplémentaire et nous voilà prêt à réinstaller le génois. Il faut le faire coulisser le long de l'enrouleur dans un rail. Pas si simple dans la houle de 3/4m.
Vers 16h, nous revoilà en ordre de marche, toutes voiles dehors dans 12 Nds de vent.
Je prends enfin ma douche !! Nous sommes tous bien fatigués après ces multiples manœuvres. Pour fêter la réussite de notre entreprise, c'est repas de fête : œufs mayo et riz pilaf :)
À 20h30, tout le monde est au lit, sauf Nico qui fait le 1er quart. La journée a été bien remplie, nous partons pour une bonne nuit de sommeil avec chacun un quart de 3h sous un vent de 15/20 Nds, 2 ris dans la grand voile et 1 ris dans le génois.
À 22h45, Nico toque contre la coque pour me réveiller : le vérin du pilote automatique (celui qu'on a réparé grâce aux pièces de rechange, qui grince depuis le début de la transat, que nous surveillons quotidiennement mais qui fonctionne bien malgré tout) est bloqué pour de bon.
Matthieu est aussi sur le pont et Nico installe le vérin tout neuf apporté par Guillaume. À 23h30, la réparation est terminée, la journée ne dure plus que 30 min, on devrait en avoir terminé !! :) :).
Nous avons avancé plus doucement aujourd'hui, le génois n'était pas opérationnel et c'est lui notre voile la plus puissante, mais nous en sommes à 1284 M parcourus et 900 M restant. Arrivée probable vers le 11 décembre. 16j de nav, ça serait notre prévision la plus optimiste :)
Samedi 4 Décembre - J9
La journée est nettement plus calme qu'hier : pas de gros soucis techniques, moins de vent 10/15 Nds, un grand ciel bleu et une bonne chaleur.
On pinaille pour trouver le bon réglage dans le petit temps et pour trouver le meilleur compromis cap/vitesse.
En fin de journée, le vent augmente à nouveau et revient à ce que nous connaissons depuis le début 18/25 Nds.
La houle assez courte est encore là mais elle est mieux organisée et elle nous bouscule moins.
La réparation de reprise de couture faite sur le génois tient. Mais nous voyons au dessus une nouvelle déchirure sur la bordure... On verra ça en Martinique !
Point d'avancement de la soirée : nous sommes à 1300 M de notre point de départ Brava en route directe mais en réalité, nous avons parcouru 1390 M (quelques zigzags liés aux empannages). Il reste environ 800M à parcourir :)
Dimanche 5 Décembre - J10
Pendant mon quart, un éclat de lumière étrange et puissant venant du sud est me fait sursauter. Je vérifie alentours et sur l'écran... Rien... Pendant son quart, Matthieu a aussi vu des grands éclats lumineux... Je fais un mail à E.T. pour lui demander des explications :)) Il y a une phénomène de pluie de météores en ce moment !
La journée commence avec le passage d'un grain, le ciel est très gris. Au fur et à mesure, tout se dégage et nous sommes accompagnés par un grand soleil.
Grande cuisine acrobatique aujourd'hui : tartes aux légumes. Malgré le roulis, rien n'est renversé et le résultat est délicieux !
Nico fait le maître d'école et Étienne commence à lire ses 1ers mots.
Notre créneau d'arrivée se précise peu à peu : entre le 11 et le 12 si aucune surprise technique ne s'invite dans le final. Il reste 640 M à parcourir. Depuis Brava il y a 1480 M en ligne directe et nous avons réellement parcouru 1590 M.
Lundi 6 décembre - J11
Depuis le début de la nuit, les grains se succèdent avec un peu de pluie et un renforcement du vent jusqu'à 30 Nds.
A 3h, c'est le branle bas : le vent passe de 20 à 50 Nds, seules quelques gouttes d'eau m'avaient prévenues de l'arrivée du grain. Il fait nuit noire et pour détecter l'arrivée de ces nuages il faut surveiller le ciel et les endroits où les étoiles sont masquées.
On se prend une bonne douche, on roule le génois et on installe le 3ème ris dans la grand voile. Comme d'habitude ça ne dure pas plus de 10 min mais cette fois ci, on est monté à 51,5 Nds !!!
Le reste de la nuit se passe en surveillant attentivement le ciel.
Ce matin, nous voyons que la bordure de 5cm du génois est à nouveau déchirée sur 3 ou 4m. Le lambeau claque au vent et agrandi un peu plus la déchirure à chaque fois.
Nous affalons le génois pour couper mais ça se déchire à nouveau le temps de le hisser à nouveau.
Avant que les dégâts ne soient irréversibles, nous décidons de ne plus l'utiliser et de le remplacer par la trinquette. Dans le gros temps que nous avons en ce moment, cela ne nous pénalisera pas trop. On fera le point en Martinique pour réparer la voile ou pour en trouver une nouvelle....
Nous croisons 3 voiliers aujourd'hui, il participe à L'ARC une course pour amateurs, et vont à Sainte Lucie. Plus nous allons nous rapprocher de l'arrivée, plus nous allons rencontrer de monde !
Toute la journée est sous le signe du passage de grains, dont le plus long dure 2h ! de vent 25/30 Nds, de pluies très intense (lavomatic option pré lavage, lavage intensif, double rinçage et séchage !!).
Nous arrivons à manger au sec lors d'une éclaircie mais la pluie et le vent reviennent aussitôt la table débarrassée.
Les enfants écoutent des histoires et regardent des dessins animés toute la journée, au sec à l'intérieur du bateau. Le mal de mer et la difficulté à rester à l'intérieur ne sont pour eux qu'un lointain souvenir :)
520M à parcourir avant la Martinique !
Mardi 7 décembre - J12
Et hop, un nouveau grain avec 37 Nds au max vers 3h30. Je n'espère plus faire sécher quoi que ce soit !!!
Mais au réveil ce matin, le soleil est là et les quelques petits cumulus qui font la déco du ciel sont bien blancs et pas menaçants :)
Nous sommes tous les 4 bien fatigués par les 24h de grains et de pluies. Nous n'avons même pas mis la ligne de pêche !
Nous sommes un peu limité dans notre vitesse car nous avons la petite trinquette au lieu du grand génois. Et mettre le spi est un peu risqué vu les grains qui nous approchent régulièrement.
L'arrivée approche doucement. Les réflexions sur ce que nous avons vécu pendant cette traversée aussi. Pour ma part, même avec l'expérience vécue jusqu'ici (traversée Gibraltar-Canaries remuante et éprouvante, traversée Canaries-Cap Vert semée d'embûches techniques dont la panne de pilote automatique ), je me rends compte que j'ai trop écouté ceux que qui m'ont prédit une Transatlantique plus agréable grâce à un vent portant doux et constant et aussi grâce à une mer plus calme et moins hachée (la fameuse houle longue et douce de 15s!!!). Alors qu'il est évident qu'une navigation de plus de 2000 M, au milieu d'un océan soumis à des perturbations permanentes ne peut pas être considérée comme une petite étape de notre voyage. Aaahhh, les sirènes de la facilité !!!!
Malgré toute la préparation en amont, tout ce que nous avons pu anticiper, nous n'avons pas voulu creuser la question qu'on nous a pourtant souvent posée : "Mais ça doit être dur une Transatlantique ????" Et nous de répondre : "Pas tant que ça le vent est portant, la houle longue,...." Bref, nous avons fait les malins face à la mer !!! Erreur !!!
En effet pour avoir la chance de contempler l'océan et tous ses bleus, de sentir la houle soulever et pousser le bateau, de voir ces murs d'eau nous rattraper, de filer à plus de 6 Nds pendant plusieurs jours, de voir s'approcher un nuage gris foncé et de se préparer à passer dessous et voir l'anémomètre grimper à 50 Nds, d'apercevoir l'eau bleue turquoise à la crête des vagues, pour pouvoir vivre ça il faut accepter la (très grande) fatigue (pour ma part je dors presque 10h par jour !) l'incapacité à préparer à manger parfois, les séances de vaisselle acrobatiques, l'envie de rester allonger dans ma cabine à ne rien faire, le manque absolu d'énergie pour aider Nico dans toutes les tâches liées à la navigation et à l'entretien technique du bateau.
Pour les prochaines traversées (pour l'instant, soyons honnête, je rêve d'avion et de stewards attentionnés en Première classe !!!), j'espère me souvenir que rien n'est écrit d'avance, que je dois m'attendre à tout, à la douceur comme à l'épreuve. Bref rien de bien neuf dans ces constatations mais il est impressionnant de voir à quel point nous sommes capables de les mettre de coté.
Je tiens à rassurer celles et ceux qui m'ont vu acheter des réserves alimentaires pantagruéliques : hormis les fruits et légumes frais, il reste à manger pour les mois à venir et aussi faire la transat retour !!!! (État des stocks à minima: 15 kg de riz, 10 kg de pâtes, 150 boîtes de conserves, 5kg de noix de cajou, 5kg de cacahouètes, 3l d'huile d'olive, 1kg de lait en poudre).
Je n'ai pas été très présente ni parfois patiente avec les enfants pendant ces 15j mais eux ont rayonné d'une belle énergie et d'une capacité d'adaptation à toute épreuve :)
Mercredi 8 Décembre - J13
Notre niveau de batterie est faiblard depuis 2j alors nous allumons le moteur 2h pour recharger.
Les grains et le ciel nuageux n'ont pas permis à nos panneaux solaires de recharger complètement la batterie. Par contre nos réserves d'eau sont bonnes. On a consommé seulement 210l sur 450l depuis le 22/11 (vaisselle à l'eau de mer, WC à l'eau de mer et douche à l'eau de mer, la permission pour un rinçage à l'eau douce est accordée !). Et il nous reste suffisamment d'eau à boire pour plusieurs jours :)
La mer est toujours désordonnée mais l'amplitude de la houle faibli... Et le vent aussi ! Il n'y a pas de grains à l'horizon alors on sort le spi : Meltem avance à 6 Nds sous 9/10 Nds de vent et en faisant route directe vers la Martinique. Au top !
Pour la nuit, nous rangeons le spi et ressortons la trinquette. C'est dommage de ne pas pouvoir utiliser le génois qui est déchiré mais le vent augmentant souvent la nuit, notre vitesse reste presque la même.
Guillaume qui souffre des oreilles depuis 2j va mieux cet après-midi. Les conversations à bord tournent autour de notre point de chute en Martinique, de notre menu au resto, du nombre de cartes postales à écrire, des emplettes à faire.
Les enfants ont préparé des calendriers de l'Avent (on a 3 tablettes de chocolat pour 7 à bord donc on a un carreau tous les 2j) et leurs lettres au Père Noël. De notre côté, on se sent bien loin de ça : il fait toujours 25 à 30° et même si des nouvelles des 1ères sorties de ski de fond à La Feclaz nous parviennent, l'ambiance hivernale des Fêtes de fin d'année fait un peu défaut.
Grâce à notre boîtier Iridium Go, nous avons accès à une boîte mail afin de récupérer les données météo et quelques infos de la civilisation. Nico nous lit chaque jour les messages reçus (principalement des autres bateaux qui transatent en même temps que nous, mais aussi de Mic qui nous envoie des données météo supplémentaires et qui fait des routages, ainsi que de Martin pour une revue de presse occasionnelle) : "Oyé, Oyé, braves moussaillons, venez ouïr les nouvelles de l'ancien monde !!"
Jeudi 9 décembre - J14
Au 1er pointage ce matin vers 2h30, il nous reste 300 M à parcourir soit 2j minimum avant l'arrivée. Ça se précise ! Idéalement il faudrait arriver de jour, probablement samedi dans la journée...
Le ciel est étoilé et nous voyons énormément d'étoiles filantes. Le manche de la Grande Ourse est toujours planté dans l'horizon vers le nord. La nouvelle lune nous accompagne en début de nuit mais disparaît avant mon quart.
Nous avions prévu de tourner pour les horaires de quart, tous les 4/5j. Et finalement, nous avons gardé nos horaires pour toute la traversée, ça convenait à tout le monde. Nico fait le quart de 20/23h, Matthieu celui de 23/2h, moi celui de 2/5h et Guillaume guette le lever du soleil de 5/8h. Il fait nuit de 20h à 8h environ. Sur le territoire autonome de Meltem, le décret déterminant le fuseau horaire en vigueur dépend de nous. Et la règle est que nous sommes en retard sur les changements d'heure à appliquer par rapport à notre position : nous préférons vivre avec le soleil de 8h à 20h plutôt que 6h/18h.
Au réveil ce matin, nous voulons allumer le moteur mais d'énormes vibrations se font sentir au niveau de l'hélice. Par sécurité, Nico plonge voir sous le bateau si quelque chose ne se serait pas coincé : rien. Au final nous pensons que c'est la vitesse de rotation de l'hélice quand nous sommes au point mort qui génère ses vibrations. Ouf, tout va bien.
Après un petit déj aux pancakes cuisinés acrobatiquement, nous mettons le spi et les voiles en ciseaux (spi à bâbord et GV avec 2 ris à tribord), on avance bien, et dans les départs au surf sur les vagues nous faisons des pointes à 10 Nds.
CLAK!!! En fin de matinée, la manille que tient le spi au sommet du mat casse et entaille la drisse. Le spi ne tient plus correctement en haut du mat, il faut le redescendre... Quelle tuile, le génois est HS, on ne peut pas hisser le spi à nouveau (il faudrait que Nico monte en haut du mat mais vu la fatigue, la petite distance qu'il nous reste à parcourir, le choix est fait de faire ça tranquillement au mouillage), nous devons nous contenter de notre trinquette pour avancer.
Nous hissons complètement la grand voile et la trinquette.... Et finalement nous avançons quand même à 6 Nds. Notre trinquette a du se vexer qu'on la croit si petite et s'est dopé pour l'après midi. Nous faisons route directe vers la Martinique :) Nous y sommes presque !!!
Vendredi 10 Décembre - J15
Nous tentons notre dernière chance de pêche en haute mer.... Pour l'instant nous avons perdu des leurres et remonté beaucoup de sargasses !!
La houle s'est calmée et la navigation est agréable. Notre petite trinquette tient bon le vent même si dans 12/15 Nds, elle peine à nous faire avancer à plus de 5 Nds.
Il y a un peu d'eau dans les fonds du bateau et Nico entreprend un grand nettoyage et séchage. C'est ça de moins à faire quand nous serons arrivés. Il fait plus de 30° dans le bateau, donc ça sèche bien !!
Les calculs vont bon train pour savoir vers quelle heure nous sommes susceptibles de voir la terre (probablement pendant le quart de Guillaume) et vers quelle heure nous allons planter notre ancre dans le sable (avant ou après le déjeuner, sachant qu'il nous faut retarder nos montres d'une heure encore)?
Au moment de l'apéro (jus de mangue, on fait notre Dry Month pendant les nav'), il nous reste une centaine de Milles à parcourir)
Samedi 11 Décembre - J16
Le compte à rebours continue. 50M à ma prise de quart, Titouan et Mathieu se réveillent pour avoir des nouvelles! Nous faisons route directe vers le sud de la Martinique.
Nous allons mettre moins de 16j pour cette traversée :) :) Les alizés ont soufflés fort dès le début et nous avons eu plus de 12j avec au minimum 20 Nds de vent.
À 5h, on aperçoit nettement les lueurs des villes de Martinique. Mon dernier quart se termine, je retourne me coucher pour terminer ma nuit.
A mon réveil, c'est l'euphorie !! Non seulement on voit très bien la Martinique mais notre vitesse est toujours élevée donc nous serons au mouillage avant midi :)
L'approche est très belle : phare de l'îlet Cabrit, rocher du Diamant, des voiliers au loin...
Nous mouillons à 11h à l'Anse Meunier après 2319M parcouru en 16j à la moyenne de 6 Nds !!!
Après avoir remis en ordre le pont, nous sautons à l'eau direction la jolie plage, les cocotiers et l'eau à 30°. Les garçons jouent dans l'eau toute l'après-midi. Quel bonheur !
À 18h la nuit est tombée, nous trinquons à notre belle aventure et après une bière et un ti punch, tout le monde est au dodo à 21h.